Poupées d’empathie : le débat éthique

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
02 juin 2020

Quels sont les effets recherchés ? Apaiser les souffrances d’antan, répond Catherine Ollivet. Il ne faut jamais oublier que chez les personnes qui souffrent des troubles de la mémoire de type Alzheimer, le passé est devenu le présent. Elles ne vivent donc pas dans la même temporalité que le personnel médical et les membres de leur famille. Si la présence d’un bébé a marqué leur vie de manière positive dans le passé, il est très probable qu’une poupée d’empathie parvienne à réveiller des sentiments positifs, de la sérénité, de la joie, mais aussi de la précision dans les gestes ou dans la parole. Par exemple, une personne qui n’arrive plus à prononcer une phrase entière ou à boutonner son chemisier, peut de nouveau y parvenir pour s’adresser au baigneur et l’habiller. Cela ne fonctionne pas chez toutes les personnes malades. Une personne au début de la maladie va bien voir que c’est un faux bébé, il est donc inutile de lui faire croire que c’est un vrai. Lorsque la maladie est avancée, l’usage des baigneurs fonctionne surtout sur les femmes. Les hommes de cette génération (nés dans les années 1930-1940) n’étaient pas nombreux à s’occuper des bébés, l’instinct paternel ne se réveillera pas forcément. Cela peut aussi être une grave erreur si une patiente n’a jamais eu d’enfant et en a souffert, ou si elle a subi un traumatisme dans le passé en lien avec sa maternité. La démarche doit être extrêmement individuelle. On doit faire très attention à l’effet pervers de la généralisation. Catherine Ollivet pense que le personnel médical comme l’entourage doivent éviter d’aller trop loin dans l’univers du malade. Selon elle, il ne faut pas entrer totalement « dans le jeu », c’est une question d’équilibre. C’est en observant finement les réactions des personnes malades que l’on peut voir jusqu’où elles veulent aller dans leur rencontre avec ces faux bébés. Par exemple, lorsqu’un malade dit : « j’attends mes enfants, ils vont bientôt rentrer », le personnel médical n’a pas à dire : « ah oui, je les entends au bout du couloir » ou « vous allez leur préparer quoi à dîner ? » Il peut en revanche lui demander comment s’appellent ses enfants ou à quel âge ils sont devenus parents pour faire travailler la mémoire. Accompagner les patients dans leurs besoins affectifs et participer activement à la mystification, ce sont deux choses différentes.

www.liberation.fr/france/2018/02/25/catherine-ollivet-il-y-a-une-difference-entre-la-verite-qui-est-la-notre-et-celle-des-malades_1632269, 25 février 2018.