Conduite automobile : l’auto-régulation diminue au stade précoce de la maladie
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
S’il est bien admis que la conduite automobile doit cesser quand la maladie est avancée, explique Laurence Paire-Ficout, du laboratoire Ergonomie et sciences cognitives pour les transports (LESCOT) à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR), certains conducteurs peuvent conduire en sécurité en phase débutante car les déficits attentionnels et exécutifs restent modérés. Il importe cependant de pouvoir identifier les signaux qui témoignent d’une conduite dégradée nécessitant une réduction voire un arrêt de la conduite. Deux techniques d’observation sont souvent employées pour évaluer la performance de conduite : le simulateur de conduite et le véhicule instrumenté équipé de caméras permettant une évaluation d’une heure environ par un expert. Une approche plus récemment utilisée consiste à placer un dispositif d’enregistrement vidéo directement dans le véhicule personnel du participant pendant un mois environ. Cette approche, dite naturelle (naturalistic driving) permet d’étudier l’activité de conduite dans les conditions réelles et familières des participants (parcours quotidiens). L’activité de conduite de 20 personnes au stade débutant de la maladie d’Alzheimer et 21 personnes d’un groupe témoin sans troubles cognitifs a été analysée sur une période d’un mois. Les personnes malades ont été recrutées dans trois centres hospitaliers (Reims, Paris et Strasbourg). Les enregistrements ont été codés à l’aide d’un outil spécialement conçu pour cette étude : le Naturalistic Driving Assessment Scale (NaDAS). Deux psychologues ont analysé les performances des conducteurs au volant, c’est-à-dire leur capacité à adapter leur vitesse, le respect des distances de sécurité, les changements de voie ainsi que l’anticipation, avec une attention particulière aux éventuels accidents et accrochages. Le comportement d’autorégulation s’est avéré moins bon chez les personnes malades, qui ont également eu deux fois plus d’accidents et d’accrochages que les personnes n’ayant pas de troubles cognitifs. Sans surprise, ceux qui avaient le comportement le plus à risque au volant ont eu les accidents et les accrochages les plus graves. L’étude révèle que deux tiers de ces situations n’ont pas été vécues de manière consciente, ce qui signifie que le conducteur n’a eu aucune réaction au moment des faits. Les chercheurs suggèrent à l’entourage d’être attentif à la conduite d’une personne susceptible d’être atteinte par la maladie d’Alzheimer, ce qui pourrait aider au diagnostic. Cette étude pilote souligne également l’intérêt de développer des systèmes d’assistance à la conduite pour aider les conducteurs atteints de troubles cognitifs légers.
www.santemagazine.fr/actualites/alzheimer-ces-signes-revelateurs-au-niveau-de-la-conduite-en-voiture-332915, 30 juillet 2018. www.medisite.fr/alzheimer-les-symptomes-alzheimer-votre-conduite-au-volant-pourrait-alerter.5488829.4482.html, 1er août 2018. Paire-Ficout L et al. Naturalistic Driving Study Investigating Self-Regulation Behavior in Early Alzheimer’s Disease: A Pilot Study. J Alzheimers Dis 2018; 63(4):1499-1508. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29782312.