Le goût de l’été

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
03 juillet 2020

A la résidence Le Pré du Sart de Charleville-Mézières (Ardennes), la canicule passée, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ont retrouvé le goût de l’été en profitant du soleil sans danger. Hélène, 87 ans, atteinte de troubles cognitifs légers, va de plante en plante, en s’arrêtant à peine devant chacune d’entre elles. « Je les arrose presque tous les jours. J’en ai fait beaucoup pousser, croyez-moi ! Regardez, là, du persil ! Et là, la ciboulette ! » Ses jambes peinent à suivre le rythme de ses mots : elle s’enflamme quand il s’agit de ses fleurs. « Enfant, j’habitais dans une grande maison, avec un immense jardin. Nos parents nous faisaient trimer l’été, mais c’était amusant. On plantait de tout. Des pommiers, des poiriers, des pruniers… » Aurait-elle souhaité revivre ce temps ? « Oh oui, beaucoup ! » lâche-t-elle avec l’entrain d’une fillette. L’accueil de jour de Nouzonville, de la Mutualité française Champagne-Ardenne, reçoit des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ne souhaitant pas entrer en établissement. « Tout dépend de la température. Là nos patients sont plus actifs, plus stimulés. Ça se ressent dans le langage corporel. L’hiver ils dorment plus, ont plus tendance à vouloir rester inactifs. L’été, quand il fait trop chaud, c’est dangereux pour eux. Là, entre 20 et 25 degrés, c’est parfait », affirme Cindy Haut de Cœur, infirmière coordinatrice. Jean-Claude Broutard, gérontologue, rappelle que sentir des odeurs, entendre des sons, voir des couleurs, en un mot faire fonctionner ses sens éveille la mémoire rétrograde, qui permet le surgissement de ces (très) lointains souvenirs au détour d’un lieu, d’un parfum, d’une musique de notre enfance. Émilie Robert, assistante de soins en gérontologie à l’accueil de jour, en est témoin à chaque escapade en plein air. « L’autre jour, place Winston Churchill, une dame s’est rappelée qu’à 17 ans elle avait travaillé au Secours catholique, dans un bureau près du grand marionnettiste. Elle ne nous en avait jamais parlé. » Ces sorties ont-elles un effet durable, au-delà de la satisfaction immédiate du souvenir resurgi ?  « Je suis convaincu que si ces moments sont régulièrement entretenus, les malades bénéficient d’un apprentissage inconscient. Et d’une progression de ce qu’on appelle le bonheur humain » souligne Jean-Claude Broutard. 
www.lardennais.fr/106145/article/2018-08-08/dans-une-residence-de-charleville-les-personnes-alzheimer-retrouvent-le-gout-de, 8 août 2018.