Éditorial — Un regard, un sourire, une parole contre la solitude et l’isolement social
Édito
En période de fin et de début d’année, où beaucoup se retrouvent en famille, entre amis, n’oublions pas de regarder autour de nous… L’on sait depuis plusieurs années maintenant que la maladie d’Alzheimer n’est pas seulement une maladie de l’âge mais aussi une maladie du lien social. Nombre de personnes malades vivant avec des troubles cognitifs souffrent d’isolement social et de solitude. Or ces deux notions, bien que proches, n’ont pas les mêmes effets et il est utile de les différencier pour mieux les prévenir.
L’isolement est une situation objectivable caractérisée par le fait d’être seul. Il peut s’agit d’un isolement géographique (milieu montagnard, absence de transport…) ou d’un isolement social. C’est l’exemple d’une personne vivant seule à son domicile, sans famille ni ami, voisin ou autres proches. L’isolement social, situation le plus souvent subie, est un facteur de risque modifiable prouvé. Le Pr Henry Brodaty, du centre de recherche collaborative sur la démence à l’Université Nouvelle-Galles-du-Sud à Sydney, a montré dans ses travaux qu’une faible participation sociale est associée à un risque accru de survenue de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée (+ 59 %). Au contraire, une vie sociale de qualité prémunit davantage contre l’apparition de troubles cognitifs. Comment expliquer ce résultat ? Le manque de stimulus social pourrait affecter certaines zones du cerveau associées à la mémoire ou à la connaissance. D’autre part, la qualité des relations sociales et la satisfaction qu’elles procurent seraient un facteur protecteur. La « bonne humeur » a un effet direct sur la qualité de vie.
La solitude est plus complexe à appréhender. Elle relève de dynamiques personnelles et collectives, et ses conséquences sur la santé cognitive sont pressenties mais n’ont pas encore été prouvées scientifiquement. En effet, la solitude est un sentiment c’est-à-dire une composante de l’émotion qui implique les fonctions cognitives de l’organisme. Avec le déclin de ces fonctions cognitives, la perte de certains repères et de facultés peuvent renforcer ce sentiment de solitude qui est très souvent évoqué par les personnes malades. C’est l’exemple d’une personne qui, bien qu’entourée de ses enfants et de ses amis, a perdu goût à la vie du fait du décès de son mari.
Maintenir la communication et l’interaction avec son entourage est important. Une participante à un groupe d’expression de personnes malades organisé par la Fondation Médéric Alzheimer déclarait ainsi « Dans la cuisine je suis encore relativement à l’aise. Dans ma chambre, je suis à l’aise. Mais le téléphone, c’est devenu un objet précieux. Mon ordinateur [aussi], ça devenait trop compliqué. Je ne peux plus envoyer d’e-mail à mes petits-enfants. » L’affaiblissement des facultés de communication ou d’interactions, les difficultés à mémoriser certaines tâches, comme utiliser le téléphone ou envoyer des messages électroniques, ou les difficultés à communiquer leur pensée peuvent être à l’origine d’un sentiment de solitude chez les personnes malades.
Ainsi, l’isolement et, dans une moindre mesure, la solitude, peuvent contribuer à la survenue de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, celle-ci pouvant à son tour provoquer ou accentuer l’isolement social ou le sentiment de solitude. Les réponses à apporter ne sont pas les mêmes. Pour réduire l’isolement, la mobilisation du cercle familial, du voisinage, des proches, peut constituer un levier puissant. Tout comme de nombreuses associations de bénévoles, l’association Monalisa ou encore le collectif Combattre la solitude des personnes âgées luttent contre l’isolement par des visites de courtoisie, des sorties culturelles, des loisirs de groupe…, suscitant des rencontres et des interactions dans un immeuble, un quartier, une ville. Mais la réponse à apporter au sentiment de solitude est plus complexe et doit tenir compte de la personnalité de l’individu.
C’est un des enjeux mis en avant dans le livre-plaidoyer de la Fondation Médéric Alzheimer : Alzheimer Ensemble. Trois chantiers pour 2030. L’isolement et la solitude constituent un enjeu sociétal et contribuent au phénomène Alzheimer. La réponse n’est pas unique, universelle, portée par la famille lorsqu’elle est présente ou par des professionnels, bien souvent déjà débordés. Le 31 décembre comme tout au long de l’année, dans une société qui se veut bienveillante, prendre soin de ses aînés malades et/ou isolés est l’affaire de tous.
La rédaction