Éditorial — Accompagnement des personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer : accélérer la diffusion des bonnes pratiques
Édito
Afin que le maximum de personnes malades et de proches aidants puisse bénéficier des meilleures pratiques d’accompagnement, chercheurs, décideurs et acteurs de terrain ont besoin de se doter de méthodes partagées pour évaluer l’impact des interventions et faire connaître les solutions qui font preuve d’efficacité.
Si tous partagent la même ambition, chacun n’a pas la même définition de la preuve. Là où les chercheurs souhaitent produire les connaissances scientifiques les plus rigoureuses, les acteurs de terrain, qui travaillent avec les personnes malades au quotidien, s’appuient davantage sur une observation pratique ou une intuition de « ce qui marche ». Les décideurs publics, quant à eux, ont besoin de données probantes, facilement transposables, au rapport coût/efficacité favorable.
La Haute Autorité de Santé (HAS) a formulé en 2011 des recommandations sur l’accompagnement des personnes malades. Elle y indique que les interventions non médicamenteuses sont « un élément important de la prise en charge thérapeutique » car elles constituent des réponses en termes d’accompagnement qui permettent notamment de réguler l’humeur des personnes malades ou de réduire le stress. Cependant, l’impact des interventions non médicamenteuses est difficile à prouver de manière rigoureuse. Si les acteurs de terrain sont les mieux placés pour observer qu’une intervention apporte des bénéfices, qu’elle « marche », il est difficile pour les chercheurs d’en évaluer et d’en démontrer précisément les effets. Or la preuve est indispensable aux décideurs publics pour recommander une solution d’accompagnement et la disséminer à large échelle.
En plus de la preuve, le deuxième levier de la décision est l’information. Nombreux sont ceux qui regrettent ne pas connaître l’état de l’art sur ce qui fonctionne et ce qui pourrait être mis en place. La consultation nationale que la Fondation Médéric Alzheimer a organisée en amont des Assises de la recherche et de l’innovation sociale en 2017, et à laquelle près de 1 000 personnes ont répondu, a montré que 85 % des répondants étaient d’accord avec l’idée qu’« il est souvent difficile de déployer à large échelle les réponses et les savoirs qui ont fait la preuve de leur pertinence ». Le manque de dissémination des résultats de la recherche psycho- et médico-sociale contribue à rendre l’information difficilement accessible. De plus, ces résultats ne sont pas toujours communiqués sous un format adapté aux professionnels et aux décideurs. La connaissance est ainsi à la fois trop dispersée et trop confidentielle pour constituer une réelle aide à la décision.
Pour répondre à ces besoins précisément identifiés, plusieurs initiatives ont vu le jour en Europe. Les What Works Centres, ou centres de ressources sur ce qui fonctionne, ont été développés en Grande-Bretagne ces dernières années. Spécialisés sur des thématiques liées par exemple à l’éducation ou au vieillissement, ils sont organisés comme des « guichets uniques vers les évaluations d’impact » et constituent un outil d’aide à la décision.
L’Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA) a montré dans un rapport publié en 2017 qu’il pourrait être pertinent de s’inspirer de ces dispositifs en France. Forte de ces conclusions, la Fondation Médéric Alzheimer réalise actuellement avec le soutien de la CNSA, une étude exploratoire afin de définir ce que pourraient être les contours d’un centre de ressources inspiré du modèle britannique, adapté au contexte français et spécialisé sur l’accompagnement des personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer ou un syndrome apparenté.
Un tel centre aura pour mission de faire connaître les interventions ayant fait la preuve de leur efficacité et de favoriser l’évaluation d’impact des solutions qui paraissent prometteuses. Ce centre n’aura pas pour vocation de produire des recommandations opposables. Il s’agira d’une banque de ressources qui mutualisera les actions et les modes d’organisation efficaces et reproductibles pour améliorer la qualité de vie des personnes malades et de leurs proches aidants. Il s’adressera aux professionnels et décideurs, aux chercheurs et aux personnes en perte d’autonomie, ainsi qu’à leurs proches.
En effet, il n’est pas question de faire des acteurs de terrain des chercheurs, ni des chercheurs des acteurs de terrain, mais bien de créer des ponts entre recherche, pratiques professionnelles et décision publique afin d’améliorer l’accompagnement des personnes malades au quotidien. Si un tel dispositif devait voir le jour, il permettrait de créer des synergies entre les différents acteurs du champ de l’accompagnement des personnes malades et favoriserait la diffusion des bonnes pratiques à tous les niveaux.
La rédaction