Ça va pas la tête ! Cerveau, immortalité et intelligence artificielle, l’imposture du transhumanisme

Société inclusive

Date de rédaction :
06 août 2020

Danièle Tritsch, professeur de neurosciences à l’Université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC) de 1991 à 2016, et Jean Mariani, professeur de neurosciences dans la même université et praticien hospitalier à l’hôpital Charles-Foix, ont créé et dirigé entre 2001-2014 le laboratoire Neurobiologie des processus adaptatifs (UMR 7102) à l’Université Pierre et Marie Curie. Ils s’appuient sur des données scientifiques biologiques et médicales pour « dénoncer l’imposture que représente le transhumanisme et ses excès ou délires » : demain, on vivra 200 ou 300 ans… et bien sûr en parfaite santé ; l’immortalité n’est pas loin. Dès que l’on s’intéresse au cerveau, les données sont particulièrement complexes et ne vont pas dans le sens de ces prophéties. Il existe une contradiction criante entre la jeunesse éternelle promise et la réalité actuelle, relèvent les chercheurs. Véronique Lefebvre des Noëttes, psychiatre du sujet âgé au centre hospitalier Émile-Roux de Limeil-Brévannes (Assistance publique/Hôpitaux de Paris), s’interroge quant à la possibilité de numériser l’esprit. Le projet Human Brain Project vise d’ici à 2024 à simuler le fonctionnement du cerveau humain grâce à un superordinateur, avec pour but de développer de nouvelles thérapies médicales plus efficaces sur les maladies neurologiques. Pour ses détracteurs, ce modèle de cerveau devrait inclure au moins 10 000 milliards de variables. Or on ne dispose pas aujourd’hui d’un modèle de compréhension du cerveau assez robuste pour agréger un tel volume de données. Tout au plus, les fonds européens permettront a minima de créer une plateforme informatique capable d’intégrer de manière dynamique les données de la recherche, ancienne et nouvelle. Cette plateforme saura-t-elle être utile à la prise en charge des maladies neurodégénératives ? « On saura dans 6 ans si les promesses d’un cerveau neuf, inusable, exempt de maladie mais aussi de sentiments, donc d’humanité, seront tenues. En attendant, ne faudrait-il pas rester à l’écoute du minuscule, des petites perceptions des malades d’Alzheimer qui jamais ne disparaissent sous la pathologie ? Dans mon service, en tous cas, ils nous murmurent de bien jolis récits de vie. “Moi, ma maladie, ça me fait penser”, a dit l’un d’eux. Pour la psychiatre, « ce qui soigne, c’est bien la possibilité d’être dans une ouverture à l’autre, quelle que soit son histoire et l’état de ses neurones. »

Trisch D et Mariani J. Paris : Belin. 14 mars 2018. ISBN : 978-2-4100-0349-9. Ça va pas la tête ! Cerveau, immortalité et intelligence artificielle, l’imposture du transhumanisme. www.belin-editeur.com/ca-va-pas-la-tete. Lefebvre des Noëttes V. Alzheimer et transhumanisme : espoir ou utopie. Neurol Psychiatr Gériatr 2018 ; 18 : 325-328. Décembre 2018.