Pratiques de commercialisation et populations vieillissantes. Comment faire face au déclin cognitif des personnes âgées dans le cadre de la relation client ?

Société inclusive

Date de rédaction :
06 août 2020

La protection de la clientèle constitue un enjeu majeur pour les deux autorités, qui disposent d’un pôle commun depuis 2010. Un groupe de travail « Populations vieillissantes » a été constitué en septembre 2017. Les travaux visent notamment à identifier des marqueurs de vulnérabilité spécifiques à cette population en situation d’achat et de vente de produits bancaires et financiers. Les principaux risques sont : l’augmentation prévue ou non-prévue des charges financières et des revenus amoindris au passage à la retraite ou à l’entrée en dépendance ; l’accès physique aux guichets et aux espèces rendu difficile compte tenu des difficultés à se mouvoir, avec un risque d’exclusion financière ; l’affaiblissement progressif de la compréhension financière et contractuelle du fait, d’une part, de la diminution de l’acuité visuelle et auditive et, d’autre part, d’une diminution des capacités cognitives ayant pour conséquence un consentement peu ou pas éclairé; une adaptation insuffisante aux nouvelles formes de communication (Internet, smartphone, etc.), de souscription et de suivi de ses opérations bancaires et d’épargne, avec des risques d’erreurs importants, d’une insuffisance de conseil et pouvant déboucher sur une souscription non consentie ou basée sur un consentement vicié ; la difficulté à suivre ses affaires personnelles et à protéger ses propres intérêts, alimentant un risque de renoncement à des produits, en particulier assurantiels, indispensables et/ou obligatoires, ce qui peut accentuer la vulnérabilité si le risque non-couvert se matérialise ; l’affaiblissement de la vigilance exposant à des pratiques de commercialisation déloyales, agressives voire frauduleuses, d’autant plus que la présence au domicile crée des conditions propices au démarchage ; le risque d’achat de produits inadaptés (par exemple taux d’emprunt élevé, demande de contrepartie démesurée avec des ventes liées, des ventes de produits non-nécessaires ou inadaptés, investissements ne correspondant pas aux besoins, dans des produits illiquides, de très long terme et sans possibilité de transmission, etc.) ; un risque de maltraitance financière par des proches de la personne âgée, rendant nécessaire une vigilance des conseillers en la matière.

Des entretiens menés auprès de 7 établissements financiers montrent que la clientèle senior est clairement identifiée, avant tout sur le critère jugé déterminant de l’âge, de 50 à plus de 85 ans et plus. A ce critère s’ajoute celui rattaché aux capacités cognitives de la personne. Les conseillers en banque et en assurance éprouvent des difficultés à aborder la dégradation des fonctions cognitives de manière frontale avec ces clients âgés vulnérables. Il n’existe pas à ce jour une approche très structurée de la question. Il s’agit avant tout pour le conseiller de repérer certains éléments de fragilisation : l’absence d’enfants, l’isolement géographique et social, le décès du conjoint, l’absence de procuration. Les professionnels estiment que les clients seniors présentent des spécificités parfois difficiles à traiter. Le sujet est jugé délicat et complexe. En l’absence de procédure pour gérer ce segment de clientèle, chaque conseiller s’interroge sur le bien-fondé de son approche avec le client, notamment d’un point de vue éthique et déontologique. Les questions récurrentes qu’ils se posent concernent notamment leur légitimité à refuser une vente. Par ailleurs, si le sujet de l’abus de faiblesse ou de confiance est désormais bien connu et fait l’objet de procédures internes spécifiques – remontée de tout soupçon à la direction des risques ou du contrôle interne, puis au procureur de la République – il existe de nombreuses interrogations sur ce qui pourrait être qualifié de « zone grise », constituée par des personnes non protégées (tutelle ou curatelle), non victimes d’abus divers, mais dont le jugement pourrait être affaibli du fait de troubles cognitifs y compris légers. Cette « zone grise », non encadrée au niveau réglementaire, est traitée différemment selon les établissements. Certains sont favorables à plus d’encadrement réglementaire pour accompagner ces clients âgés.

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution de la Banque de France, Autorité des marchés financiers. Pratiques de commercialisation et populations vieillissantes. Comment faire face au déclin cognitif des personnes âgées dans le cadre de la relation client ? Décembre 2018. www.amf-france.org/sites/default/files/contenu_simple/rapport_etude_analyse/epargne_prestataire/Rapport%20AMF-ACPR%20sur%20les%20pratiques%20de%20commercialisation%20a%20destination%20des%20populations%20vieillissantes.pdf.