Les enjeux du patrimoine et de sa transmission dans nos sociétés vieillissantes
Société inclusive
Dans le cadre du grand débat national, le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin s’est prononcé le 21 février 2019 en faveur d’une baisse de la fiscalité sur les donations. « On hérite désormais souvent à 55, 60, 65 ans, à un moment où on a moins de besoins qu’à 35, 40 ou 45 ans. La question qui se poserait, à mon avis, c’est plutôt un allégement de la mobilité des donations de son vivant qu’une aggravation des droits de succession », a-t-il déclaré. Le think tank Terra Nova, propose au contraire d’alourdir les droits de transmission pour freiner l’accroissement des inégalités de patrimoine. « Je ne suis pas favorable du tout à une augmentation des droits de succession. Nous avons les taux d’imposition les plus élevés après le Japon et la Corée du Sud », a relevé le ministre. En revanche, il considère que les donations permettent de mieux faire circuler l’argent vers les générations de trentenaires ou de quadragénaires, à un moment où elles investissent davantage. Quant à André Masson, du laboratoire Paris-Jourdan Sciences économiques de l’École d’économie de Paris (PSE), il évoque, depuis le début des années 1980, une « crispation patrimoniale » des seniors, détenteurs d’une masse inerte de patrimoine peu risqué, un « retour » de l’héritage, reçu cependant de plus en plus tard, et des jeunes ménages fortement contraints dans leurs projets patrimoniaux. Le recul de la mortalité aux âges élevés n’a pas créé seul ce processus, lié par ailleurs au ralentissement de la croissance et aux transformations du capital, mais en a considérablement amplifié les effets. Une réforme est difficile. L’économiste propose deux pistes : 1/une cotisation sociale sur le troisième âge (retraités), qui contribuerait à financer les besoins du quatrième âge (personnes âgées dépendantes) par une couverture inclusive et obligatoire de la perte d’autonomie ; 2/ un programme d’augmentation du taux et de la progressivité de l’impôt sur les seuls héritages familiaux pour les 10 à 15 % de familles les plus fortunées, en contrepartie de moyens accrus d’éviter cette surtaxe successorale, facilitant aussi bien la donation (à la famille, aux œuvres ou du patrimoine professionnel), la consommation du patrimoine (immobilier), ou encore l’investissement productif à long terme de l’épargne des seniors. Pour André Masson, « ce programme répondrait à la fois aux défis redoutables soulevés par une situation patrimoniale néfaste et à l’impopularité actuelle des droits de succession standard. »
www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/0600750468397-darmanin-plaide-pour-un-allegement-de-la-fiscalite-sur-les-donations-2246819.php, 21 février 2019. Brugère L et al. Réformer l’impôt sur les successions. Terra Nova, 4 janvier 2019. http://tnova.fr/system/contents/files/000/001/692/original/Terra-Nova_Note-R_former-imp%C3%B4t-successions_040119.pdf?1546526931 (texte intégral). Masson A. Les enjeux du patrimoine et de sa transmission dans nos sociétés vieillissantes. Rev Fr Econ 2018 ; 2(33) : 179-234. www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2018-2-page-179.htm?contenu=resume.