L’art pour un regard différent sur Alzheimer – Créativité, vie sociale, vie psychique, de Leslie Alemagna et Noëlle Cortaza
Société inclusive
Le regard constitue un facteur d’entrée en communication. Il permet d’obtenir des informations pour favoriser l’équilibre dans les interactions. Il peut être encourageant, sollicitant ou au contraire marquer le refus de communiquer, d’entrer en relation, écrivent Leslie Alemagna et Noëlle Cortaza, psychologues cliniciennes et docteurs en psychologie dans une vignette clinique intitulée « un regard qui fait peur ». « Mme C., qui ne parle plus et ne s’exprime que par des sons, est déroutante. Il arrive qu’elle vienne nous chercher en nous prenant par la main comme si elle voulait nous emmener quelque part et nous montrer quelque chose. Puis, à certains moments, il devient impossible de s’approcher d’elle ou de la toucher ». Les autres résidents en ont peur et ont adopté une attitude de vigilance à son égard, comme s’il ne fallait jamais baisser la garde pour pouvoir se défendre. Il est donc très complexe de comprendre les codes relationnels à utiliser pour échanger avec elle. Mais pendant les ateliers d’art-thérapie, très vite, Mme C. s’intéresse au dessin et à ce que l’art-thérapeute est en train de faire : dessiner le portrait d’un participant. Elle tourne autour de la table et regarde. Elle s’assoit, observe, se lève puis revient s’asseoir. Un mouvement se crée autour du dessin. Au fil du temps, Mme C. se lèvera de moins en moins. L’art-thérapeute la regarde souvent, en souriant, tout en dessinant quand elle vient s’asseoir à la table. Elle la soutient du regard. Pendant certaines séances, Mme C. pousse de nombreux cris et s’exprime par onomatopées. Elle se penche vers l’art-thérapeute pour s’approcher du dessin, le touche, le froisse parfois, ce qui provoque de vives réactions de certains résidents qui se posent en protecteurs de l’œuvre. L’art-thérapeute ne laisse pas détruire le dessin, car il appartient à la personne qui est dessinée. Elle laisse ces mouvements s’exprimer, en les canalisant : « la couleur, le geste, le rythme entrent en résonance avec elle, on est dans le sensoriel, l’apaisement se fait dans le corps. » L’ouvrage s’appuie sur le travail de thèse de doctorat des deux psychologues, financé dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE) associant le laboratoire Santé, individu, société (EA 4129) de l’Université Jean-Moulin Lyon 3, le groupe associatif ACCPA (Accueil et confort pour personnes âgées) et le ministère de la Recherche.
Alemagna A et Cortaza N. L’art pour un regard différent sur Alzheimer – Créativité, vie sociale, vie psychique. Lyon : Chronique sociale. 24 janvier 2019. 168 p. ISBN : 978-2-3671-7597-3. www.chroniquesociale.com/l-art-pour-un-regard-different-sur-alzheimer__index–1011992–3008715–1011990–cata.htm.