Maladie d’Alzheimer : les femmes nées avant la deuxième guerre mondiale sont plus à risque que les hommes parce qu’elles ont fait moins d’études, mais ces différences s’estompent

Recherche

Déterminants de la maladie

Date de rédaction :
02 mars 2021

Une femme âgée a deux fois plus de risque qu’un homme âgé d’être atteinte de la maladie d’Alzheimer. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer cette différence : l’espérance de vie plus élevée des femmes, leur risque de dépression plus élevé, la chute du taux d’œstrogène à la ménopause, le niveau d’éducation. Or dernier facteur de risque a évolué au cours du temps. Une équipe franco-britannique, menée par Mikaela Bloomberg, du département d’épidémiologie et santé publique de l’University College de Londres, en collaboration avec l’équipe d’épidémiologie du vieillissement et des maladies neurodégénératives de l’Université de Paris (INSERM U1153) rappelle que les personnes très âgées, particulièrement à risque de développer la maladie d’Alzheimer, sont celles nées entre 1920 et 1940. Or à cette époque, les femmes faisaient moins d’études que les hommes. Les chercheurs se sont appuyés sur les données de 2 cohortes britanniques (English Longitudinal Study of Ageing et Whitehall II) incluant 15 924 personnes dans trois tranches d’âge, selon la date de naissance (1930-1938, 1939-1945 et 1946-1955). Ils constatent que le risque de maladie d’Alzheimer entre hommes et femmes diminue entre la première et la dernière époque. Selon eux, c’est l’allongement de la durée des études supérieures chez les femmes qui en est la cause.

Ces résultats confirment ceux d’une étude française menée par l’épidémiologiste Hélène Amieva, de l’équipe INSERM U897 à l’Université Bordeaux-Segalen, sur une cohorte de 442 patients avec des niveaux d’études différents. Chez les personnes les plus éduquées, les premiers symptômes de déclin cognitif apparaissent entre 15 et 16 ans avant le diagnostic, contre 7 ans pour les personnes les moins éduquées. Les personnes ayant des diplômes plus importants ont généralement une longue période asymptomatique : le déclin cognitif est très léger, et n’a pas de répercussion sur la vie quotidienne. Chez les personnes qui n’ont pas fait d’études, les symptômes cognitifs sont d’emblée plus marqués et les répercussions sur la vie quotidienne sont immédiates, souligne Hélène Amieva, co-autrice de l’étude. La première phase de déclin sans répercussion fonctionnelle semble ne pas exister. Le fait d’avoir fait des études stimule les capacités intellectuelles, crée une réserve cognitive et permet de mobiliser les réseaux neuronaux qui vont compenser les lésions cérébrales. Des données d’imagerie montrent que le volume de matière grise est plus important chez les personnes qui ont fait des études que chez celles qui n’en ont pas fait. Cette différence correspond à une densité plus importante de neurones et de connexions synaptiques. Cette dotation neuronale supplémentaire permet au cerveau de s’adapter davantage aux conséquences du déclin cognitif.

www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/35252-Alzheimer-femmes-risque-plus, 31 janvier 2021.

Bloomberg M et al. Sex differences and the role of education in cognitive ageing: analysis of two UK-based prospective cohort studies. Lancet Publ Health 2021; 6: e106–115. 1er février 2021. www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S2468-2667%2820%2930258-9 (texte intégral).

Amieva H et al. Compensatory mechanisms in higher-educated subjects with Alzheimer’s disease: a study of 20 years of cognitive decline. Brain 2014; 137(4): 1167-1175. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24578544/.