La crédulité face à l’escroquerie téléphonique : souvent les premiers signes d’alerte de déclin cognitif repérés par les familles

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Date de rédaction :
23 juillet 2020

Chaque année, 35 milliards de dollars (31,4 milliards d’euros) seraient extorqués à des seniors, selon le FBI (Bureau fédéral d’enquête des Etats-Unis) : les escrocs ciblent les propriétaires de leur maison, qui disposent en général de ressources financières disponibles. Les personnes âgées victimes d’abus déclarent moins souvent que les autres les situations de fraude, soit parce qu’elles ne savent pas comment faire, soit parce qu’elles ont honte d’avoir été dupées, ou bien encore n’ont pas conscience qu’elles ont été escroquées. De plus, les escrocs connaissent les effets du vieillissement sur la mémoire : lorsqu’elles viennent témoigner, souvent plusieurs mois plus tard, les victimes peuvent être incapables de fournir des éléments précis aux enquêteurs. Si écourter les appels des faux télémarketeurs serait un signe de bon jugement, ne pas réussir à raccrocher pourrait être, à l’inverse, un symptôme précoce de déclin cognitif, soutient la neuropsychologue Patricia Boyle, du centre Alzheimer de l’Université Rush de Chicago (Etats-Unis) : « lorsqu’un escroc approche une personne âgée, il cherche une vulnérabilité sociale chez quelqu’un qui est prêt à engager une conversation avec un parfait étranger. La personne âgée doit interpréter les intentions et les émotions de cet étranger et décider de croire ou non à son boniment. » Le Pr Jason Karlawish, co-directeur du centre mémoire de l’Université de l’État de Pennsylvanie à Philadelphie (Etats-Unis), décrit le cas d’un patient que des escrocs ont convaincu qu’il avait tiré le ticket gagnant à la loterie : « il s’est fait délester de la plus grande part de son épargne placée en assurance-vie. Des patients de ce type, ou d’autres qui prennent des décisions de placement inappropriées, peuvent se retrouver incapables de payer leur alimentation, leurs soins ou leur hébergement. Quelqu’un d’autre, la famille ou l’État, devra payer in fine. Ce problème est aussi urgent que celui de l’addiction aux opioïdes ou de la violence », alerte Jason Karlawish. Les familles et les aidants de personnes âgées devraient surveiller étroitement la façon dont elles gèrent leur argent et trouver une façon de suivre les transactions financières pour essayer de prévenir les escroqueries, conseille-t-il. « Idéalement, les personnes âgées devraient donner accès à la visualisation de leurs comptes en lecture seule et rester prudentes quant aux autres droits d’accès à leurs comptes. Il faut être conscient qu’une procuration peut être aussi un mandat de vol : un compte joint est un bien commun. L’autre titulaire peut dépenser l’argent selon son bon vouloir et en toute légalité. »

Beth Kallmeyr, vice-présidente de l’Association Alzheimer américaine, ajoute que les changements du jugement, de la capacité ou de la prise de décision financière sont souvent les premiers symptômes de troubles cognitifs observés par la famille. Mais trop souvent, ces symptômes sont niés ou rejetés alors qu’ils pourraient être une bonne raison pour demander une évaluation médicale approfondie.

www.newsweek.com/alzheimers-early-warning-falling-scams-dementia-1394237, www.nytimes.com/aponline/2019/04/15/health/ap-us-med-scams-dementia.html, 15 avril 2019. www.reuters.com/article/us-health-dementia-scams/financial-scam-victims-have-higher-risk-of-alzheimers-idUSKCN1RR2C7, 16 avril 2019. Karlawish J. Social Cognition and the Aging Brain. Ann Intern Med, 16 avril 2019. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30986825.