La détection linguistique émerge comme une méthode d’identification des troubles cognitifs
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Diagnostic et détection
En Italie, Laura Calzà et ses collègues, de l’Université de Bologne, soulignent que des altérations du langage peuvent constituer un signe très précoce de troubles neurocognitifs, des années avant l’apparition de signes cliniques. Les techniques de traitement du langage naturel permettent aujourd’hui d’identifier des modifications mineures du langage dans des conditions écologiques (dans l’environnement de vie de la personne et non dans un environnement médical). Dans une étude portant sur 96 personnes, dont la moitié atteintes de troubles cognitifs légers, les chercheurs ont utilisé un jeu de 87 paramètres acoustiques, rythmiques, morpho-syntaxiques (grammaire et sens des mots) et lexicaux (vocabulaire). Un moteur de classification automatique a permis de distinguer les discours de personnes ayant des troubles cognitifs dans 75 % des cas.
En France, une étude cordonnée par Carole Dufouil, du centre INSERM d’épidémiologie et de développement (ISPED) à l’Université de Bordeaux, a analysé la progression de la perte sémantique [perte du sens des mots] en combinant la neuro-imagerie à des tests de fluence verbale [on demande à la personne d’énoncer le plus possible de mots appartenant à une catégorie donnée ou commençant par une lettre donnée]. Dans une étude auprès de 2 261 personnes sans troubles cognitifs à l’inclusion et suivies pendant 4 ans (cohorte MEMENTO), les chercheurs observent que la fluence verbale décline le plus rapidement chez les personnes à haut risque de maladie d’Alzheimer et qu’elle est associée à des marqueurs de neurodégénérescence spécifiques de la maladie d’Alzheimer.
Les personnes atteintes de troubles neurocognitifs s’arrêtent souvent pour trouver le mot juste ou organiser leur expression. Ces pauses reflètent des difficultés de prise de décision sémantique ou lexicale. En Australie, une étude coordonnée par Anthony Anwin, de l’Université du Queensland à Brisbane, auprès de 20 personnes atteintes de déficit cognitif léger, 20 atteintes de déficit cognitif modéré et 20 personnes sans troubles cognitifs, mesure la durée des pauses dans le discours des personnes grâce à un outil automatisé (Calpy computational speech processing toolkit). La durée moyenne et la durée totale des pauses en millisecondes est significativement différente entre les 3 groupes (p<0,001) : la détection linguistique permet de les distinguer sans ambigüité.
Calzà L et al. Linguistic features and automatic classifiers for identifying mild cognitive impairment and dementia. Comput Speech Lang 2021; 65; 101113. Janvier 2021. https://reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S0885230820300462 (texte intégral). Vonk JMJ et al. Semantic loss marks early Alzheimer’s disease-related neurodegeneration in older adults without dementia. Alzheimer’s Dement 2020; 12:e12066. 3 août 2020. https://alz-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1002/dad2.12066 (texte intégral). Sluis RA et al. An Automated Approach to Examining Pausing in the Speech of People With Dementia. Am J Alz Dis Other Demen, 10 juillet 2020. https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/1533317520939773.