La maladie d’Alzheimer, trop complexe et hétérogène, reste incurable

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Date de rédaction :
04 juin 2020

Les médecins et chercheurs qui luttent contre cette redoutable affection neurodégénérative ont tout de Sisyphe des temps modernes, écrit Anne Jeanblanc dans Le Point : tous repartent régulièrement à l’assaut de la montagne et n’hésitent pas à remettre en question leurs hypothèses de travail et les modes de prise en charge. Rarement maladie aura mobilisé autant de cerveaux… Le constat actuel n‘a rien de réjouissant : « toutes les pistes que nous avons suivies jusqu’aujourd’hui ont débouché sur des impasses », annonce le Pr Dubois, chef du service des maladies cognitives et comportementales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Assistance publique-Hôpitaux de Paris).

Et si les lésions cérébrales étaient les conséquences et non les causes de la maladie ? Si les chercheurs faisaient fausse route depuis le début ? s’interroge Anne Jeanblanc. Un groupe expert réuni par la Fondation Médéric Alzheimer publie une synthèse des connaissances sur les mécanismes biologiques clés permettant le développement de médicaments dans la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées. Les essais cliniques des 30 dernières années ont échoué par manque de cible claire, étayée biologiquement, chez l’homme, explique le coordonnateur du groupe, le Pr Bengt Winblad, directeur du département de neurobiologie, sciences des soins et société de l’Institut Karolinska de Stockholm (Suède). Les modèles animaux utilisés jusqu’à présent sont trop simples et ne permettent pas de rendre compte de la complexité des mécanismes sous-jacents. La maladie est trop hétérogène et les stratégies thérapeutiques sont jusqu’ici trop simples pour être efficaces. Depuis 30 ans, la recherche s’est essentiellement focalisée sur la protéine amyloïde. Pourquoi ? Dans les formes familiales de la maladie (250 mutations connues, moins de 5 % des cas), qui surviennent avant 55 ans, une mutation génétique est bien à l’origine de l’accumulation de plaques amyloïdes dans le cerveau. Si cette approche linéaire et monofactorielle de la maladie (une seule cause produit un seul effet) apparaissait séduisante il y a 30 ans, elle est beaucoup trop simpliste : elle ne s’intéresse pas aux formes « sporadiques » de la maladie, les plus fréquentes (plus de 95 % des cas), qui sont multifactorielles, avec une forte variabilité individuelle. Aujourd’hui, les recherches précliniques (avant les essais cliniques chez l’homme) font appel à la biologie moléculaire et à la physiologie cellulaire. Dans les 10 ans à venir, elles cibleront les déterminants moléculaires des facteurs de risque et des facteurs protecteurs. Avec l’espoir d’identifier, peut-être, des cibles pour de futurs médicaments. L’horizon thérapeutique reste très éloigné.

Loera-Valencia R et al. Current and emerging avenues for Alzheimer’s disease drug targets. Int Med 2019; 286(4): 398-437. Octobre 2019. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/joim.12959 (texte intégral).