Les vertus de l’oubli
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« L’oubli, dans la maladie d’Alzheimer, est ce qui fait le plus peur, car il est aussi oubli de soi. Mais nous pouvons remettre à sa juste place cette peur, si nous acceptons le fait que par nature, la mémoire est sélective, poreuse, facétieuse, vivante », écrit Véronique Lefebvre des Noëttes, psychiatre du sujet âgé, chercheur associé au laboratoire interdisciplinaire d’étude du politique Hannah-Arendt à l’Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne. L’oubli, dit-elle, n’est pas qu’une déficience de la mémoire : c’est aussi une force, sans laquelle il nous est impossible de vivre dans le présent. « C’est l’oubli qui nous permet de rompre avec les douleurs du passé, de donner un sens nouveau à notre vie. Oublier, c’est renaître. En prenant de l’âge, j’oublie – un peu – mes Fables de La Fontaine. Je fais alors la même expérience que celle des patients Alzheimer, celle des interstices, des manques que l’indiçage vient aider à combler. Indicer, c’est amorcer, c’est tendre la main, c’est donner des indices, comme le fait le « souffleur » pour l’acteur pris par le blanc du trac. Indicer, c’est ce que je fais lors du rappel différé d’un test de mémoire. Je donne une syllabe, une catégorie de mots, un synonyme et là, par magie, le déroulement des choses apprises et des souvenirs afflue. Je fais de même quand je connais l’histoire biographique d’un patient, en tissant des liens entre des mots pour qu’une phrase signifiante apparaisse. Et d’un seul trait, le récit d’une vie surgit. Essayez. Vous verrez. C’est simple, et le succès est toujours au rendez-vous… »
http://theconversation.com/memoire-et-oubli-liaisons-heureuses-ou-dangereuses-127870, 5 janvier 2020.