Capacité financière des personnes atteintes de déficit cognitif léger : un sujet émergent

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Date de rédaction :
24 avril 2020

Au sens éthique et juridique, la capacité financière d’une personne est son aptitude à gérer son argent et son patrimoine en cohérence avec ses propres valeurs et son propre intérêt. Les troubles de la mémoire, des fonctions exécutives et du calcul peuvent contribuer à la vulnérabilité financière de la personne malade. Le sujet est d’actualité en France. La vulnérabilité est l’un des thèmes du congrès 2020 des Notaires de France. Le pôle commun de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, organe de supervision français de la banque et de l’assurance) ont lancé un groupe de travail sur la commercialisation de produits financiers aux personnes vieillissantes en situation de vulnérabilité, notamment lorsqu’elles sont atteintes de troubles cognitifs, mais qui ne font pas l’objet d’une mesure de protection juridique.

En Italie, Silvia Benavides-Varela, du département de psychologie du développement et de la socialisation à l’Université de Padoue, en collaboration avec des spécialistes de neuro-imagerie, a mené une étude auprès de 44 personnes atteintes de troubles cognitifs légers et 37 personnes sans troubles cognitifs. La capacité financière a été évaluée à l’aide de l’échelle NADL-F (Numerical Activities of Daily Living Financial Battery). Par rapport au groupe témoin, les personnes atteintes de déficit cognitif léger ont des difficultés dans trois domaines : l’achat d’un article, le calcul des pourcentages et les concepts financiers dans le contexte culturel italien. La performance des personnes atteintes de déficit cognitif léger au test NADL-F est corrélée avec les capacités de mémoire, du langage, de l’orientation visuelle et spatiale et de raisonnement abstrait. En imagerie cérébrale, la capacité financière est associée significativement (p < 0,05) à une atrophie de 3 zones du système limbique (régions situées sous le cortex) associées à la motivation et aux émotions (colère, peur, anxiété, mémoire émotionnelle…).

C’est la compréhension d’un risque grâce aux émotions (l’intelligence émotionnelle), alliée à l’expérience acquise avec l’âge, qui pourrait protéger les personnes âgées des tentatives d’escroquerie. Aux Etats-Unis, une étude coordonnée par Stacey Wood, du département de psychologie de la clinique Scripps à Claremont (Californie), auprès de 281 personnes âgées de 18 à 82 ans, montre que les personnes les plus jeunes sont significativement plus susceptibles aux tentatives d’escroqueries que les plus âgées (p<0,001). Ces dernières sont plus sensibles au risque (p 0,002), moins susceptibles à la persuasion et ont une compréhension émotionnelle supérieure à la moyenne. L’avancée en âge à elle seule ne constitue donc pas un facteur de vulnérabilité à la fraude financière.

www.congresdesnotaires.fr/fr/les-congres/edition-2020/lequipe-et-le-theme/, 18 mars 2020. Autorité des marchés financiers. Priorités de supervision 2020. Février 2020. www.amf-france.org/sites/default/files/2020-02/20200108_amf_priorites_supervision_2020_fr_vfinae.pdf. Benavides-Varela S et al. The role of limbic structures in financial abilities of mild cognitive impairment patients. Neuroimage Clin 2020 ; 26 : 102222. 19 février 2020.  www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2213158220300590. Mueller EA et al. Older and wiser: age differences in susceptibility to investment fraud: the protective role of emotional intelligence. J Elder Abuse Negl 2020 ; 32(2) : 152-172. 9 mars 2020. www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08946566.2020.1736704.