Être aidant : une modification significative des concepts en 30 ans
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Les aidants / les familles
Judith Mollard-Palacios, psychologue clinicienne à France Alzheimer et maladies apparentées, rappelle l’évolution du concept d’aidant depuis la fin des années 1980. C’est d’abord la notion de « fardeau », introduite dans la recherche sur l’« aidance » pour quantifier les charges et les coûts de l’aide. Dans ce paradigme plutôt centré sur l’individu, on a tendance à évacuer totalement de la relation aidant-aidé ses aspects affectifs. Le risque est alors d’enfermer l’aidant dans un rôle de « victime cachée » des demandes de l’aidé qui ne peut faire que subir la situation. Il apparaît assigné à une place passive et figée dans le temps, face à laquelle il ne peut mesurer que son impuissance. Dans les années 2000 apparaît un concept nouveau : le sens de la compétence. Le moral de l’aidant familial dépend largement du maintien du sentiment de réussite et de la confiance en soi pour faire face à la situation, qui a un effet évident sur le bien-être de la personne dont il s’occupe. On s’intéresse à cette époque non seulement à l’aidant principal, mais aussi à l’ensemble du groupe familial comme un système impliqué dans l’accompagnement. Apparaît la figure de l’aidant-expert, qui a besoin qu’on le reconnaisse dans son rôle et que l’on doit aider à obtenir des compétences, des savoir-faire et des ressources nécessaires pour prodiguer des soins de bonne qualité, sans danger pour sa santé. Mais cette expertise est remise en question par l’arrivée de l’aidant professionnel, ce qui explique en partie les résistances de certains aidants à accepter de se faire aider. Si l’on veut que le soutien réussisse, il faut que celui-ci reflète la « constellation unique » des problèmes rencontrés à l’intérieur d’une famille donnée. Les situations sont très différentes les unes des autres. Les dispositifs de soutien ne peuvent se réduire à prévenir l’épuisement de l’aidant et l’encourager à faire appel à de l’aide extérieure. Ils doivent également lui permettre de devenir plus compétent, de trouver de solutions aux problèmes qu’il rencontre et de donner du sens à son engagement, en construisant une relation avec les professionnels. Les interventions psychosociales les plus efficaces sont individualisées, combinées (associant plusieurs domaines d’action), permettant des choix et centrées à la fois sur la personne malade et l’aidant.
Doc’Alzheimer, octobre-décembre 2018.