Diagnostic préclinique : l’aube des pré-aidants
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Les aidants / les familles
L’équipe du Pr Jason Karlawish, co-directeur du centre mémoire de l’Université de l’État de Pennsylvanie à Philadelphie (Etats-Unis), a reçu un couple en consultation. Le mari participe à une recherche évaluant l’efficacité d’une molécule dans la prévention de la démence chez des personnes sans troubles cognitifs mais ayant une charge amyloïde cérébrale élevée. Au cours de la consultation, l’épouse, qui est aussi partenaire dans le cadre de l’étude, déclare que son mari va bien mais que c’est elle qui va mal. Si le mari tolère bien la molécule à l’essai et est ravi de participer à la recherche, sa femme est hantée par ce qu’elle sait sur les dépôts amyloïdes dans le cerveau de son mari et s’inquiète à l’idée de devenir son aidante. Les biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer prennent une place de plus en plus importante dans la démarche diagnostique, y compris avant la survenue des premiers symptômes. Cette évolution du diagnostic crée un nouveau rôle pour les futurs aidants de ces personnes asymptomatiques au stade préclinique : le Pr Karlawish introduit le concept de « pré-aidant ». Une personne sans troubles cognitifs ayant un taux de biomarqueur indiquant un risque accru de survenue de déclin cognitif peut choisir de dévoiler le diagnostic à son conjoint, à ses enfants ou à un ami ; les proches peuvent aussi apprendre le diagnostic du médecin lui-même, qui peut parfois y être tenu juridiquement. Ainsi, l’État du Massachusetts exige des cliniciens d’annoncer le diagnostic de la maladie d’Alzheimer à un membre de la famille ou à un représentant légal de la personne ; il doit aussi informer la personne du plan de soins, des traitements et des services de soutien disponibles. Jason Karlawish, spécialiste d’éthique médicale, a soutenu cette loi : elle encourage l’amélioration de la détection, des taux de diagnostic et informe les familles en temps opportun pour leur permettre de mieux comprendre, anticiper la situation future et prendre en compte les incapacités de la personne. Si les proches sont informés d’un diagnostic préclinique, ils apprendront non seulement le risque que court leur proche de développer la maladie d’Alzheimer, mais aussi la probabilité pour eux-mêmes d’avoir à assumer un jour le rôle d’aidant. « Être un pré-aidant ne demandera pas le même temps ni le même effort que pour une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer », soulignent les chercheurs. « Cela sera cependant intime et ardu. À mesure que nous traduirons le concept de maladie d’Alzheimer préclinique en pratique des soins, il faudra étudier aussi le vécu et les besoins des pré-aidants. »
Largent EA et Karlawish J. Preclinical Alzheimer Disease and the Dawn of the Pre-Caregiver. JAMA Neurol, 11 mars 2019. https://jamanetwork.com/journals/jamaneurology/article-abstract/2727302. https://pennmemorycenter.org/the-dawn-of-the-pre-caregiver/, 10 avril 2019.