Alzheimer : la prévention, une voie plus réaliste que le médicament
Édito
Alors que la pandémie covid-19 a aggravé la situation des personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer en rompant notamment le lien social, plusieurs éléments viennent apporter une lueur d’espoir.
Celle d’un médicament l’aducanumab. Produit par Biogen, il est le tout premier qui tente d’agir sur l’une des causes potentielles de la maladie. L’autorisation inattendue accordée par la FDA aux États-Unis alors même que des doutes subsistent sur son efficacité, bouscule cependant les normes. La maladie d’Alzheimer est désormais définie par le régulateur à partir des seuls biomarqueurs et les études observationnelles sont jugées acceptables à défaut d’essais plus probants en conditions contrôlées. Un double virage qui divise la communauté des chercheurs et soulève de multiples questions scientifiques, économiques et éthiques.
Sur le plan médical et économique, cette autorisation ne signifie pas que ce nouveau traitement soit rapidement et largement utilisé. La FDA en a restreint les indications au déficit cognitif léger et aux formes légères de la maladie d’Alzheimer. Il est complexe à administrer, à suivre, risqué et coûteux. Pour ces différentes raisons, seuls quelques centres à ce jour l’administrent aux États-Unis. Son accès reste donc très limité. S’il était autorisé en France et en Europe, de nouvelles questions se manqueraient pas de se poser. Quel serait le profil des patients éligibles à ces traitements potentiels ? Comment seraient accompagnés les patients déçus ne répondant pas aux critères d’éligibilité ? Entretenir de faux espoirs mènerait à la désillusion !
L’arrivée de ce médicament et d’autres molécules actuellement en essai clinique (tel que le masitinib, un inhibiteur de la protéine kinase présentant un effet neuroprotecteur) vient à rebours de l’idée fataliste qu’il n’y a rien à faire. Mais la maladie d’Alzheimer est multifactorielle : ne traiter qu’une seule de ses nombreuses causes possibles ne l’empêchera pas de se développer. En ce sens, l’aducanumab ne serait que l’une des options thérapeutiques possibles, aux côtés notamment des interventions non médicamenteuses qui démontrent jour après jour leur efficacité.
Un autre espoir ne serait-il pas de reconnaître chaque personne dans son humanité et sa citoyenneté, dans son inaliénable dignité et son identité singulière. C’est le premier des dix principes de la Charte éthique et accompagnement du grand âge, qui vient d’être remise à Brigitte Bourguignon par l’Espace éthique d’Île-de-France afin de guider les professionnels dans leur pratique quotidienne de l’accompagnement et du soin.
Mais le réel espoir réside aujourd’hui dans la prévention. C’est une voie plus facile que le développement de médicaments symptomatiques ou curatifs estime le Conseil mondial sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées, installé par le G8 en 2013. Pour le Pr Philippe Amouyel, président de l’initiative européenne de programmation conjointe pour la recherche sur les maladies neurodégénératives (JPND), stimuler notre cerveau, le protéger des traumatismes et des toxines, préserver notre santé physique et métabolique mais aussi garder notre réseau relationnel aussi longtemps que possible nous aidera à accroître notre réserve cognitive et résister aux affres du temps. C’est d’ailleurs en ce sens qu’œuvre le programme de santé publique ICOPE (Integrated Care for Older People) qui consiste en un parcours de soins favorisant une approche intégrée de la santé. Conçu par l’OMS, ICOPE suit l’évolution de la capacité intrinsèque des personnes âgées, permettant de prédire le déclin de leurs capacités fonctionnelles ultérieures. L’objectif est simple : permettre au plus grand nombre de vieillir en bonne santé, physique et cognitive.
L’espoir est là. Nous devons le saisir, pour chacun et pour tous.
Hélène Jacquemont
Présidente de la Fondation Médéric Alzheimer