« Nous avons vu nos proches plonger plus vite »
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Dans une tribune de l’association France Alzheimer publiée dans Le Parisien, les malades et leurs aidants – souvent un mari, une épouse, un enfant, un frère, une sœur – expriment leur détresse après une année de « calvaire ». « Nous avons vu nos proches plonger plus vite, trop vite, dans la maladie. Malgré notre dévouement, nous avons assisté, impuissants, à la dégradation de leurs capacités cognitives et motrices. Ces conditions ont ouvert un boulevard pour Alzheimer : accélération des troubles du langage, de la mémoire, perte des repères liés aux confinements successifs, accueils de jour qui n’ont toujours pas rouvert à 100 % ». Les résidents d’EHPAD sont ceux qui ont payé le plus lourd tribut de la crise, souligne Joël Jaouen, président de France Alzheimer. « On voit également une hausse considérable des hospitalisations et des dépressions d’aidants. Le contexte amplifie leur solitude. Or, un aidant qui va mal, c’est un malade qui va mal. » Pourtant, les familles se plaignent peu, constate le Pr Marie Sarazin, chef de service de neurologie à l’hôpital Sainte-Anne (Assistance publique-Hôpitaux de Paris). « Il y a une résilience incroyable. Pourtant, les répercussions de la crise sont certaines. Elle a eu un impact sur la prise en charge des patients, sur l’évolution de leur maladie. » A Levallois, Corinne Monié, ancienne biologiste, qui vit avec la maladie d’Alzheimer, et son époux Daniel, médecin généraliste, vivent en huis clos. « Les confinements ont fait des dégâts importants. Les rendez-vous médicaux annulés, chez l’orthophoniste ou autre, l’absence de vie sociale jouent sur l’évolution de la maladie », dit-il. Corinne, elle, est plongée dans la lecture des Grands cimetières sous la lune, de Bernanos. Méticuleusement, elle raye encore et encore chaque mot après l’avoir lu. Daniel a peur d’attraper la maladie et de finir en réanimation. « Vous croyez que je peux me permettre d’abandonner Coco trois semaines ? Ou de la laisser se contaminer et être, elle, à l’hôpital, avec des tuyaux ? » secoue-t-il la tête. Le temps d’être vacciné, il a même délaissé son stéthoscope de médecin généraliste, de crainte d’être infecté à son cabinet. Peur aussi de la voir sombrer un peu plus chaque jour. Daniel Monié a embauché deux précieuses aides qui le relaient à domicile, une solution coûteuse mais qu’il préfère à l’entrée de son épouse en établissement.
Le Parisien, 30 mars 2021. www.bfmtv.com/sante/covid-19-des-aidants-denoncent-les-effets-de-la-pandemie-sur-les-malades-d-alzheimer_AN-202103310141.html, 31 mars 2021.