Modifier sa nutrition pour changer le cours de la maladie d’Alzheimer : où en est la recherche ?

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Approches biomédicales

Date de rédaction :
19 mai 2021

La nutrition et la maladie d’Alzheimer sont étroitement liées. Les recommandations de la Société européenne de nutrition clinique et de métabolisme (ESPEN) rappellent que le déficit cognitif peut affecter la nutrition, avec pour conséquence une réduction de l’apport en nutriments. La perte de poids qui en résulte et les déficits nutritionnels peuvent ainsi accélérer le déclin cognitif, la fonte musculaire et la fragilité. En d’autres termes, une bonne nutrition est particulièrement importante chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, qui sont exposées à plusieurs facteurs de risque modifiables : une prise alimentaire réduite, une nourriture de faible qualité nutritionnelle, l’isolement social. Il serait en théorie plus facile de modifier le style de vie alimentaire au stade précoce des troubles cognitifs, en adoptant une alimentation plus saine ou en apportant des suppléments alimentaires. En Italie, Matteo Cesari et ses collègues, de l’Université d’Etat de Milan, proposent une revue sur le sujet.

En Chine, Jiazhen Zheng et ses collègues, de l’Ecole de santé publique de l’Université médicale du Sud à Canton, dans une étude prospective portant sur 11 970 personnes âgées de 80 ans et plus, montrent qu’une plus grande diversité de l’alimentation est associée à un risque de déclin cognitif plus faible. Les chercheurs ont construit un score de diversité portant sur 8 aliments (DDS-dietary diversity score). Un régime comportant au moins 5 aliments est associé à une réduction de 14 % du risque de troubles cognitifs (p < 0,001). Cet effet sur le cerveau pourrait être lié à la modification du microbiote intestinal.

Toujours en Chine, Shifu Xiao et ses collègues, du département de géronto-psychiatrie de l’Université médicale de Shangaï, ont mené un essai clinique contrôlé et randomisé de phase III (à grande échelle chez l’homme) auprès de 408 personnes atteintes de maladie d’Alzheimer au stade léger à modéré et de 410 personnes sans troubles cognitifs, pour évaluer l’efficacité et la sécurité d’un supplément alimentaire, l’oligomannate (un polymère de sucres extrait d’algues marines). Chez l’animal, ce principe actif agirait en modifiant la composition du microbiote intestinal, et en réduisant les métabolites intestinaux qui activent l’infiltration de cellules immunitaires dans le cerveau, réduisant au final la neuro-inflammation. Ce mécanisme d’action reste à valider chez l’homme. Pendant 36 semaines, les participants à l’essai clinique ont reçu soit de l’oligomannate (450 mg 2 fois par jour), soit un placebo. La cognition a été mesurée par l’échelle ADAS-Cog (de 0 à 70 points). Après 3 ans, les participants traités par oligomannate ont un score inférieur de 2,15 points/70 au score des participants sous placebo (p < 0,0001). [A titre de comparaison, sur cette échelle, la dégradation moyenne annuelle des performances cognitives aux stades légers et modérés de la maladie est de l’ordre de 6 à 8 points par an]. Ces résultats peu convaincants, publiés en mars 2021 dans une revue scientifique internationale, avaient déjà été communiqués en novembre 2019. La Chine avait octroyé au produit une autorisation de mise sur le marché. A l’époque, de nombreux experts se disaient méfiants quant à son efficacité.

Cesari M et al. Nutritional Interventions for Early Dementia. J Nutr Health Ageing, 15 mars 2021. https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s12603-021-1616-4.pdf (texte intégral).

Xiao S et al. A 36-week multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled, parallel group, phase 3 clinical trial of sodium oligomannate for mild-to-moderate Alzheimer’s dementia. Alz Res Ther 2021; 13:62. Mars 2021. www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7967962/pdf/13195_2021_Article_795.pdf (texte intégral).

Zheng J et al. Association between dietary diversity and cognitive impairment among the oldest-old: Findings from a nationwide cohort study. Clin Nutr 2021; 40(4) :1452-1462. 1er avril 2021. www.clinicalnutritionjournal.com/article/S0261-5614(21)00129-1/fulltext#%20.