Vers un changement fondamental dans la définition de la maladie d’Alzheimer : un modèle unifié de toutes les formes cliniques en quatre sous-types, selon les trajectoires de dépôt de la protéine tau

Recherche

Diagnostic et détection

Date de rédaction :
28 mai 2021

Il n’existe pas de maladie d’Alzheimer typique. Devant l’hétérogénéité de la présentation clinique et de la pathologie, certains chercheurs le suggèrent depuis des années, mais à l’exception de certaines formes rares et atypiques, aucun consensus n’a émergé sur les sous-types de la maladie d’Alzheimer. Cette situation pourrait être sur le point de changer. Des chercheurs coordonnés par Oskar Hansson, professeur de neurologie à l’université de Lund (Suède), ont analysé le plus grand ensemble de données de tomographie cérébrale à émission de positons (PET-scan) sur la protéine tau à ce jour. Un programme d’intelligence artificielle a traité de façon impartiale des milliers de scans provenant de 1 667 personnes, permettant de classer toutes les formes cliniques de la maladie d’Alzheimer en quatre sous-types distincts. Chacun présente une progression différente de la pathologie des enchevêtrements neurofibrillaires d’une zone cérébrale à l’autre au fil du temps. Chacun présente également un profil clinique et une vitesse d’aggravation distincts. Plus l’âge de survenue est élevé, plus la pathologie est légère. Ces zones cérébrales sont aussi associées à des incapacités fonctionnelles (déficits de fonctions exécutives, déficits sensoriels ou multi-domaines, etc.) fréquemment observées en plus des troubles cognitifs.

Pourquoi ce modèle unifié de progression n’a-t-il pas émergé plus tôt ? Le modèle pathologique antérieur de Braak, décrit en 1991, était fondé sur seulement 83 échantillons d’autopsie. Les techniques de neuropathologie de l’époque étaient incomplètes, explique Oskar Hansson. Braak était limité par le fait qu’il n’était pas en mesure d’examiner l’ensemble du cerveau ou d’utiliser l’apprentissage automatique en intelligence artificielle. En général, seul un hémisphère d’un cerveau donné pour autopsie est utilisé pour la pathologie, ce qui signifie que les effets sur l’autre hémisphère sont manqués. La pathologie est également limitée par l’échantillonnage spatial ou le volume de l’échantillon. Le nouveau modèle ajoute un regard impartial sur la variation spatiale et temporelle du cerveau entier. Ces sous-types pourraient refléter la propagation de la protéine tau pathologique dans des réseaux neuronaux distincts. Le câblage neuronal (connectome) pourrait être déterminé dès l’enfance. Ainsi, certaines maladies apparentées à la maladie d’Alzheimer, comme l’atrophie corticale postérieure ou le variant logopénique de l’aphasie primaire progressive, sont plus fréquentes chez des personnes ayant eu des difficultés d’apprentissage peut-être dues à des différences de développement du cerveau.

Ce nouveau modèle unifié de la maladie d’Alzheimer aura un impact profond sur les essais cliniques et le diagnostic, estiment les experts : au lieu de cibler les différents stades de la maladie, on pourra cibler les différents sous-groupes neuro-anatomiques, en utilisant l’imagerie cérébrale de la protéine tau.

Vogel JW et al. Four distinct trajectories of tau deposition identified in Alzheimer’s disease. Nat Med, 29 avril 2021. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33927414/. www.alzforum.org/news/research-news/forget-typical-alzheimers-ai-finds-four-types, 30 avril 2021.