Une identité à préserver
Édito
Parce que la souffrance psychologique des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer a partie liée avec cette “ expérience paradoxale de mort dans la vie ” caractérisant leur pathologie, les intéressées doivent voir respecter au mieux leur personnalité pour lutter contre l’angoissante “ perte de soi ” qui les habitent, explique Emmanuel Hirsch, directeur de l’Espace éthique/AP-HP, (Le Figaro, 25 septembre 2006). L’exigence éthique rejoint ici le pragmatisme thérapeutique. En effet, si pendant longtemps la prise en compte des besoins vitaux des personnes a pris le pas sur celle de leur ressenti (SantéSocial, article de Marie Bidault, septembre 2006), il semble aujourd’hui nécessaire de développer une approche psychopathologique plus centrée sur le sujet que sur ses symptômes (Psychologie et NeuroPsychiatrie du Vieillissement, éditorial de Christian Derouesné, septembre 2006). Une étude montre, ainsi, l’intérêt de solliciter les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées souffrant de démence sur un terrain où elles se reconnaissent : des activités qui correspondent au sentiment que les malades ont de leur identité contribuent à la fois à leur procurer plus de plaisir et à réduire leurs troubles du comportement (Journal of Gerontology : Psychological Sciences, 2066, vol.61B, n°4, article de J.Coyen-Mansfield, A.Parpura-Gill et H.Gonader, cité dans le Bulletin bimestriel de la Fondation nationale de gérontologie.
Différentes initiatives témoignent de cette attention accrue portée au vécu subjectif de la maladie. Celle-ci passe, notamment, par la valorisation de la parole des personnes désorientées (Actes, septembre-octobre 2006). A Paris, par exemple, des personnes malades et leurs aidants ont l’occasion de partager informations et expériences dans le cadre convivial d’un “ café-débat Alzheimer ” (Neurologie Psychiatrie Gériatrie, article d’I.Cantegreil, J. de Rotrou, F.Moulin, F.Batouche, E.Wenisch, A.Richard, M.de Sant’Anna, P.Garrigue, S.Thevenet, A.S.Rigaud, août 2006). A l’instar d’une Annie Girardot qui, malgré sa pathologie, n’a jamais cessé de tourner des films (Paris-Match, 21 septembre 2006), l’individu que continue d’être la personne malade revient ainsi sur le devant de la scène, avec la considération qui lui est due (Accompagner la maladie d’Alzheimer, les médiations de la réussite, ouvrage collectif dirigé par Michel Personne, éditions Chronique sociale).
Ce respect de l’identité des personnes va de pair avec un plus grand souci de leur qualité de vie, en institution comme à domicile. Grâce aux crédits de la CNSA, un important effort d’ “ humanisation ” des maisons de retraite devrait être engagé (senioractu.com, 17 août 2006 ; cnsa.fr, 21 août 2006), cependant que les places d’accueil de jour se multiplient sous l’impulsion de collectivités locales et d’associations (info.lnc.nc, 21 septembre 2006 ; Actes, septembre-octobre 2006 ; senioractu.com, 28 août 2006 ; agevillagepro.com, 21 août 2006). La professionnalisation des personnels qui interviennent à domicile est aussi à l’ordre du jour (Actualités sociales hebdomadaires, 8 et 22 septembre 2006 ; questions.assemblee-nationale.fr et senat.fr, 21 août 2006 ; directions.fr, 19 septembre 2006) – soit aussi la question de l’accessibilité financière des services à la personne. A cet égard, les acteurs de l’économie sociale pointent les risques d’une dualisation de l’offre entre secteurs privés lucratif et non lucratif, le premier laissant au second le soin de venir en aide aux personnes les plus fragilisées – et les moins solvables (TESS, août-septembre 2006). D’où la nécessité de se battre sur le double front de la qualité et de l’éthique pour que tous les malades soient dignement accompagnés jusqu’au terme de leur vie (Les Cahiers de la Fondation Médéric Alzheimer n°2).