Quels scénarios pour quelles solidarités ?

Édito

Date de rédaction :
01 mars 2007

En dehors des cercles spécialisés, le rapport Gisserot (www.annuaire-secu.com, 20 mars 2007) n’a pas réellement contribué à lancer dans le débat électoral la thématique du financement de la dépendance des personnes âgées. Dans un pays pourtant traumatisé par les quinze mille morts de la canicule de 2003, et qui comptera dans dix ans deux millions de personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans, seul un léger frémissement s’est fait sentir dans le discours des candidats (www.agevillage.com, 26 mars 2007). Le choix entre les scénarios proposés par le rapport Gisserot entraîne un choix politique de société.

Soutenant Nicolas Sarkozy, Philippe Bas propose de diminuer de 25% le « reste à charge » des familles et de concentrer les efforts de solidarité sur ceux qui ne bénéficient ni des systèmes d’aide sociale, ni des exonérations fiscales. Il suggère d’améliorer les incitations fiscales à l’acquisition de couvertures complémentaires (y compris l’assurance-vie privée), mais également de recourir à l’utilisation du nouveau mécanisme du crédit viager hypothécaire (Actualités sociales hebdomadaires, 23 mars 2007 ; www.lesechos.fr, 20 et 23 mars 2007 ; www.agevillage.com, 26 mars 2007).

Ségolène Royal a souhaité la création, si elle est élue, d’une cinquième branche de la Sécurité sociale financée par la solidarité nationale. Elle souhaite l’augmentation du « reste à vivre » plutôt que du « reste à charge » et veut doubler le taux d’encadrement dans les établissements. Jean-Marc Ayrault évoque une CSG retraite à prélèvements obligatoires constants pour couvrir le risque dépendance (Les Echos, 22 mars 2007, www.agevillage.com, 26 mars 2007).

François Bayrou, qui n’a pas tranché sur la cinquième branche, s’est prononcé pour une grande politique de prévention de la dépendance en matière de santé, grâce notamment à une convention signée entre le patient et son médecin traitant, pour un renforcement des soins infirmiers à domicile, un accroissement du nombre d’infirmiers et une professionnalisation des métiers d’aide aux personnes dépendantes, ainsi qu’au moyen d’incitations fiscales pour la souscription de contrats d’assurance dépendance/perte d’autonomie (www.agevillage.com, 26 mars 2007).

D’autres pays sont également confrontés aux difficultés de financement de la dépendance.

Aux Etats-Unis, où la maladie d’Alzheimer touche 2.5 millions de personnes (The State of Aging and Health in America 2007, www.cdc.gov, mars 2007), le système d’aide publique Medicaid vient en aide à 29% des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer dont le revenu est insuffisant pour accéder à l’hébergement (www alz.org, 20 mars 2007). L’assurance dépendance (6.5 millions d’assurés) est en croissance soutenue (de 15 à 20% par an), mais ne touche que 7% de la population concernée (Rapport Gisserot, www.annuaire-secu.com, 20 mars 2007).

En Allemagne, près de deux millions de personnes sont bénéficiaires d’une assurance dépendance obligatoire publique (2.8% des assurés sociaux) et cent vingt mille d’une assurance dépendance privée. Les prestations sont versées par des caisses autonomes affiliées aux caisses d’assurance maladie. Deux personnes sur trois sont prises en charge à domicile. Les assurés ont un large choix de prestations, peuvent opter pour des prestations à domicile ou en établissement, et pour des prestations en espèces ou en services, ou une combinaison des deux. Les prestations en espèces sont fortement privilégiées par les usagers (Rapport Gisserot, www.annuaire-secu.com, 20 mars 2007 ; article de Serge Milano à paraître dans la revue de droit sanitaire et social).

Le Royaume-Uni, à la différence de la France, intègre dans ses projections démographiques des déterminants sanitaires de la dépendance (co-morbidités). La croissance de la dépendance projetée au Royaume-Uni pour 2025 (hypothèse médiane) est ainsi le double de celle projetée en France (hypothèse haute). Les modes de financement possibles sont multiples et envisagent notamment, outre le financement public, des partenariats public/privé, soit en mutualisation du risque, soit en épargne (Rapport Gisserot, www.annuaire-secu.com, 20 mars 2007).

Dans les pays de l’OCDE, une prise de conscience récente des enjeux du risque dépendance, et notamment de son coût, fait émerger des tendances communes : un développement de l’aide formelle, de préférence en nature et à domicile, ciblée sur les cas de dépendance les plus lourds, avec un traitement individualisé des besoins par une approche très décentralisée. L’aide informelle reste toujours très présente et encouragée (Rapport Gisserot, www.annuaire-secu.com, 20 mars 2007).

Paul-Ariel Kenigsberg
Responsable de l’Observatoire de la Fondation Médéric Alzheimer