Deuil et séparation
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Faire le deuil de son premier objet d’amour, c’est-à-dire l’objet maternel, marque un pas dans l’émergence d’une première différenciation de moi et de l’autre. La question va ressurgir au grand âge, à l’occasion des pertes, disparitions de l’environnement, mais aussi des pertes de soi engendrées par le processus démentiel : il va être question de la réactualisation de l’émergence ou de l’engloutissement de soi dans ce premier deuil. Le psychologue clinicien intervient alors, en formulant son propre égarement et en constituant un espace vide où peut se produire une rencontre dans le jeu identificatoire. C’est au moment où le patient dément trouve cet autre en face de soi (et en soi) qu’il peut envisager la disparition de son être cher. Le deuil est un des piliers qui organisent la psyché : il fournit les conditions de survie du moi dans sa fabrique d’objets internalisés (c’est-à-dire fantasmés). Chez une personne atteinte de démence, les objets internes sont en fuite. Le recours au délire peut s’avérer un mécanisme de défense contre l’idée de l’éloignement ou de la disparition définitive de l’objet. « Comment se séparer de ses morts quand on se sent soi-même à peine en vie ? » Pour faire la différence, il y a le cri, la déambulation, la fugue, mais aussi le refus de manger, qui signifie le refus de retrouver l’autre en soi : on peut parler de « conduite ordalique », « message adressé aux dieux afin de leur livrer son corps en échange de la vie de l’autre ». NeurologiePsychiatrieGériatrie , N.Passat, juin 2007