Soulager la souffrance

Édito

Date de rédaction :
01 décembre 2007

Et si l’on sortait, pour une fois, du lourd débat, bien sûr toujours ouvert, sur les plans Alzheimer et le coût de la protection sociale ? Si l’on s’intéressait, pour une fois, au plus quotidien, au plus humble, au plus concret ?
Tout commence par le plus évident (qui n’est pas toujours le plus mis en lumière) : soulager la souffrance (physique et morale) des personnes atteintes.
Beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur les limites des traitements médicamenteux les plus utilisés. Au Canada, par exemple, une enquête est lancée, portant sur vingt-cinq mille personnes, pour évaluer leurs effets sur les formes légères à modérées de la maladie (AZ Alzheimer’s Disease International, décembre 2007). Déjà les autorités de santé publique italiennes viennent de conclure qu’aucun de ces traitements ne réduit signicativement le risque de progresser d’un déficit cognitif vers une maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée (www.medicalnewstoday.com, 26 novembre). La même interrogation pèse sur les médicaments qui ne s’attaquent qu’aux symptômes, comme les antipsychotiques ou les somnifères.
D’où l’intérêt croissant pour les traitements non médicamenteux (La Lettre des unités de soins Alzheimer, supplément de La Lettre de l’Année gérontologique, novembre 2007). C’est le thème choisi pour le numéro trois des Cahiers de la Fondation Médéric Alzheimer. En Grande Bretagne, la Société Alzheimer a demandé au gouvernement d’étudier une option économique et thérapeutique radicale : au lieu de dépenser l’équivalent de 112 millions d’euros en médicaments antipsychotiques prescrits aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, pourquoi ne pas affecter une partie de ce budget à la formation des personnels soignants ? (www.craegmoor.co.uk, 5 décembre) Même situation aux Etats Unis, où le Wall Street Journal s’interroge sur la pertinence d’un modèle médical de traitement des symptômes à un coût très élevé pour la société, alors que l’on pourrait essayer de trouver des méthodes alternatives au moins aussi efficaces, mais moins coûteuses (online.wsj.com, 4 décembre).
En France, une réflexion identique conduit des médecins généralistes libéraux à mener avec succès des opérations de sevrage des anxiolytiques et des somnifères auprès de personnes âgées (La Gazette SantéSocial, décembre 2007).
Les chercheurs, mais aussi les professionnels de terrain, explorent de nombreuses pistes, qui se révèlent souvent fructueuses. Pratiquer régulièrement, aussi longtemps que cela reste possible, une certaine forme d’exercice physique : voilà, par exemple, une recette éprouvée que deux études scientifiques sur le vieillissement viennent de conforter, – l’une de l’école de médecine Peninsula d’Exeter (Grande Bretagne), l’autre de l’école de santé publique de l’université de Caroline du Sud (Reuters, www.nlm.nih.gov, 27 novembre et 4 décembre).
Dans le même esprit, l’hôpital de jour Bretonneau, à Paris, utilise la pratique du tai chi chuan pour améliorer les capacités gestuelles des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (Documents Cleirppa, octobre 2007). Ou bien encore l’hôpital d’Oderen (Vosges) propose, une fois par semaine, à tous ses résidents, quel que soit leur niveau de handicap, de prendre contact avec l’eau de la piscine, ce qui les « désinhibe et leur permet de retrouver sérénité et aisance » (L’Alsace, 23 octobre).
Exercer son esprit peut se révéler tout aussi profitable. Un essai clinique mené par l’université de l’Indiana montre que dix séances d’une heure consacrées à l’entraînement au raisonnement et à la vitesse de traitement apportent un bénéfice mesurable aux personnes atteintes de troubles cognitifs légers (J Intern Neuropsychol Society, novembre 2007). Une équipe de Menorah Park, à Cleveland (Ohio), a développé un programme d’apprentissage de compétences, conçu sur le modèle mis au point pour les enfants par Maria Montessori : il s’agit de préserver, voire de renforcer les capacités restantes. L’équipe va même jusqu’à former des personnes au stade léger de la maladie à devenir animateurs de groupe (www.cleveland.com, 28 novembre). Une autre équipe, dans une université de l’Illinois, utilise, elle aussi, la méthode Montessori, pour mettre en place un programme intergénérationnel associant des enfants et des personnes atteintes de la maladie (Clin Interv Aging, décembre 2007). Des chercheurs de l’université de Bath (Grande Bretagne) ont, par ailleurs, démontré que des personnes aux stades léger et modéré sont parfaitement capables de répondre à des questions sur l’évaluation de leur qualité de vie (Age Ageing, novembre 2007).
Respecter l’autonomie de la personne, l’aider à conserver toute sa dignité, lui permettre d’exprimer ses choix tout en tenant compte des contraintes liées à la maladie : voilà, pour conclure, quelques uns des secrets d’une bonne pratique, tels que les définissent Michèle Frémontier et Marion Villez, de la Fondation Médéric Alzheimer, dans leur contribution à un ouvrage collectif sur les problèmes éthiques posés par la maladie (Ethique, médecine et société : comprendre, réfléchir, décider, sous la direction d’Emmanuel Hirsch).
Au lendemain des fêtes, – c’est promis-, nous reviendrons sûrement à nos débats habituels sur les plans, leur coût, leurs vertus� et peut-être même, qui sait ?- leur critique.

Bonne année à tous.

Jacques Frémontier
Journaliste bénévole