La peur irrationnelle d’oublier (1)

Société inclusive

Date de rédaction :
25 mars 2011

« Dans notre société hypercognitive, la peur de l’oubli (forgetfulness) creuse un profond sillon dans la psyché », écrit dans le New York Times Margaret Morganroth Gullette, militante anti-âgisme, du centre de recherche sur les femmes de l’Université Brandeis de Waltham (Massachusetts, Etats-Unis). « Egarer ses clés de voiture, autrefois signe de simple distraction (absent-mindedness) est devenu un symptôme clinique », et l’anxiété de perdre la mémoire grandit, notamment auprès du grand public. Selon l’universitaire, « la plus grande prise de conscience de la maladie d’Alzheimer, loin de réduire l’ignorance et la stigmatisation associées à la maladie, les a amplifiées ». Les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans redoutent la maladie d’Alzheimer davantage que toute autre maladie, selon une enquête 2010 de la Fondation MetLife. Un Américain sur huit âgé de soixante-cinq ans et plus ne se fait pas recenser. La perspective de la maladie est-elle si horrible qu’elle incite les gens à se suicider ? Certaines productions culturelles alimentent cette perception alarmiste, par exemple la nouvelle pièce de théâtre Off Broadway de Tony Kushner, intitulée The Intelligent Homosexual Guide to Capitalism and Socialism with a Key to the Scriptures, ou le film Poetry, du réalisateur coréen Lee Chang-Don. « Les personnages de ces intrigues ont d’autres motifs que la peur pour mettre fin à leur vie, principalement la culpabilité. Alors, pourquoi invoquer la maladie d’Alzheimer si ostensiblement ? Peut-être parce qu’aucune autre motivation ne semble aussi plausible aux spectateurs », écrit Margaret Morganroth Gullette. « L’esprit a des capacités (capacious). Une grande partie de la capacité mentale et émotionnelle peut survivre à une simple perte de mémoire, tout comme d’autres qualités qui nous rendent humains ». 

New York Times, 21 mai 2011.