Japon : les personnes âgées doivent-elles « se dépêcher de mourir » ?

Échos d'ailleurs

Date de rédaction :
16 mars 2013

Le ministre japonais des Finances et vice-Premier ministre Taro Aso, connu pour ses dérapages verbaux, a soulevé un tollé en déclarant que la société devrait donner aux personnes âgées la liberté de « se dépêcher de mourir » (sassa-to shineru yo ni shite morau) afin de ne pas encombrer les services de gériatrie et libérer le pays du fardeau financier de leur prise en charge. « Il a encore mis son pied dans sa bouche », critique le Japan Daily Press, en évoquant publiquement « une question sensible comme celle du vieillissement dans un pays où près du quart de la population (cent vingt-huit millions d’habitants est âgé de plus de soixante ans. Yotaro Hamada, éditorialiste de l’Asahi Shimbun, estime que si la question mérite débat, elle reste tabou, quelle que soit la façon dont on l’aborde. « La notion que les patients puissent choisir de “mourir viteest répugnante pour beaucoup de personnes et masque la problématique de la qualité de la fin de vie dans la maladie ou la vieillesse. Le problème n’est pas tant le vocabulaire limité, mais la structure du système national de santé, qui est bâti sur la croyance que la mission d’un médecin est de prolonger la vie à tout prix. Il est illégal pour un professionnel de santé de ne pas essayer de réanimer un patient », dans un pays où les médecins sont autorisés à facturer 2 000 yens (1 656 euros) pour signer des documents permettant aux personnes en fin de vie de refuser « des soins prolongeant la vie. On estime que quatre cent mille Japonais en fin de vie sont sous nutrition artificielle, la majorité dans un état végétatif. Si la majorité de la population souhaiterait mourir à domicile, plus de 80% des décès non accidentels ont lieu à l’hôpital : tant que le cœur bat, le protocole médical estime qu’il y a toujours une possibilité que la personne se rétablisse, même si tout le monde sait que c’est impossible.  Les transferts entre maison de retraite et hôpital sont au cœur du débat, les maisons de retraite publiques n’étant pas équipées pour la fin de vie, alors qu’elles accueillent des résidents qui en sont proches. Des députés que le Tokyo Shimbun désigne comme membres d’un “parti transcendant” ont déposé un projet de loi pour une “mort dignifiée”» (songenshi) qui permettrait à un patient de refuser plus facilement les mesures de prolongation de la vie en entrant dans un stade terminal de son traitement.  Hara-kiri générationnel ? » s’interroge en France le sociologue Serge Guérin, professeur à l’ESG-Management School, pour qui l’appel de Taro Aso « ressemble à la première étape pour préparer les esprits à une sorte d’euthanasie d’État.